Accusé, levez-vous!
30 Août 2004
Quelques nouvelles de ma vie trépidante et de mes folles aventures judiciaires contre l'éditeur d'anti-virus Tegam, qui n'a pas accepté que je publie des failles de leur logiciel Viguard. Pour ceux qui débarquent, lire ici la genèse de cette histoire.
J'étais mis en examen pour "contrefaçon et recel de ces délits". L'instruction est maintenant terminée. Le juge d'instruction a annulé la moitié des charges. Le "recel de contrefaçon" se finit en non-lieu. On n'en parle donc plus (mais mon site web chez pipo.com et mes redirections comme guillermito.net restent toujours bloqués). La "contrefaçon" devra être jugée par un tribunal. Il y aura donc un procès.
L'expert informatique désigné par le juge d'instruction note que je "dispose de compétences indiscutables en matières virales et anti-virales", et que j'ai "dénoncé avec pertinence les failles du logiciel Viguard, dont l'innocuité et l'inefficacité sont relevées dans le rapport d'expertise". C'est écrit noir sur blanc dans cette décision de justice du 1er juillet 2004.
Il semble donc que toute mon analyse de Viguard était exacte. Sachez donc que publier des failles réelles de logiciels en France vous conduit au tribunal. Les éditeurs de logiciel ont le droit de vendre des produits défectueux, mais on n'a pas le droit de le dire. Même si on ne dit que la vérité, et qu'on le prouve techniquement.
En quelque sorte, si vous annoncez la faille d'un logiciel sans le prouver, on vous attaque pour diffamation. Si vous le prouvez en publiant des démonstrations, on vous attaque pour contrefaçon. La seule possibilité, c'est de ne plus rien dire. Tant pis pour les consommateurs qui ne pourront plus lire des analyses critiques de logiciels de sécurité.
Mon procès n'aura pas lieu [l'audience a été reportée] le 5 Octobre 2004, 13h30 à Paris. C'est public. L'adresse exacte est: 31ème Chambre /1, Tribunal de Grande Instance de Paris, 4 Boulevard du Palais, 75100 Paris RP SP.
J'y invite cordialement tous ceux qui se sentent intéressés ou concernés par l'avenir du droit à l'analyse indépendante des logiciels, et à la protection du full disclosure en France, ainsi que les gens qui me connaissent, et mes amis. Les journalistes qui veulent documenter le cas sont aussi les bienvenus. J'y invite aussi les quelques vautours, balances, et autres paranoïaques qui pensent que je fais partie d'un complot inter-galactique, ceux qui rêvent de me voir mordre la poussière. Parce que je ne me fais aucune sorte d'illusion: c'est ce qui va arriver.
Ca ne me dérange pas beaucoup de servir d'exemple à une malheureuse et récente orientation répressive de la justice, qui permet aux entreprises peu scrupuleuses de harceler des chercheurs indépendants (2 ans de procédure, trois voyages Boston - Paris, frais d'avocat, etc). L'essentiel étant de tomber avec panache, et de transmettre le message pour que d'autres ne passent pas par où je suis en train de passer.
En plus, cette date bien choisie me permettra de descendre quelques bières au Paris Carnets d'octobre, rendez-vous mensuel de blogueurs parisiens, qui se déroule comme par miracle le lendemain. Merci, monsieur le juge.
[PS: déjà une sympathique réaction d'un habitué des tribunaux ici, avec même la façon de se rendre à l'audience. Notez quand même que ça risque d'être très technique, très long, et pas forcément amusant à suivre. A vrai dire, je n'en sais rien, c'est ma première fois. Ce que je sais, c'est que ça fait toujours un peu mal, la première fois]
[PPS: Mr Embruns en parle aussi, et assure qu'il me fournira un accessoire indispendable, ce qui m'a beaucoup fait rire, je l'avoue. Plus sérieusement, j'ai décidé après avoir suivi ses liens que cela valait la peine d'arriver un peu en avance pour visiter la Sainte-Chapelle. Peut-être l'athée que je suis y trouvera l'inspiration divine nécessaire pour convaincre les juges]
[PPPS: C'est le tour de Veuve Tarquine d'en parler. Une autre habituée des prétoires. Je crois en avoir déjà parlé, mais elle avait fait une longue et fort intéressante (forcément, je ne suis pas objectif) analyse d'un communiqué de presse de Tegam, exercice de style très amusant visible ici]
[PPPPS: Je continue les trackbacks à la main: il y a un très bon article sur K-Otik, et quelques billets dans les blogs ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, et même chez les libéraux :) Encore d'autres ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, chez Neuro et Netlex, ici, ici, ici, ici, et une analyse juridique sérieuse extrèmement intéressante (partie I, partie II, partie III) par un avocat. Encore ici, ici.