Peut-on vivre sans Internet?

[Ou: il faut toujours être le premier à critiquer ce que l'on aime]

Finalement, à quoi ça sert l'internet? Pour les centres de recherche, les universités, il est certain que c'est un outil indispensable. Je le dis en connaissance de cause: dans le labo de biochimie et biologie moléculaire où je travaille, il est nécéssaire de consulter quotidiennement des banques de données (bibliographie, séquences d'acides nucléiques ou de protéines....), d'envoyer des documents à d'autres chercheurs, ou de demander des renseignements dans les forums de discussion.

Mais pour le monde extra-universitaire? Le fait d'avoir un serveur Web amène-t-il vraiment quelquechose à une entreprise, mis à part le fait de se sentir à la mode? Attendre un quart d'heure pour télécharger une toute petite image d'un tableau de Van Gogh apporterait quelquechose de plus par rapport à une visite au Louvre ou même l'achat d'un livre d'art?

On dit partout que le grand réseau mondial va révolutionner la société et changer nos comportements. Il ne faut pas exagérer. Les vraies révolutions technologiques des moyens de communication sont déjà passées. L'imprimerie et les réseaux postaux existent depuis le moyen-âge, le téléphone, le cinéma et la photographie depuis un bon siècle, la radio et la télévision depuis un peu moins, le fax depuis quelques années. La seule différence aujourd'hui? Tout est réuni sur le même support numérique: l'ordinateur.

Je suis mort de rire quand on me dit: "Oaahhhh t'as vu, on peut écouter de la musique en direct sur Internet, c'est génial...". Avec la moindre radio, j'ai la même chose, avec une qualité largement meilleure. Qu'on insiste plus sur les points vraiment novateurs de l'internet par rapport aux médias traditionnels: la structure en maille et non plus en pyramide, qui permet un choix et une véritable interactivité plutôt que de subir passivement l'information, et la facilité pour contacter directement et discuter avec des personnes du monde entier.

A propos de médias traditionnels, d'ailleurs, il y a des choses à dire... La vision que les journalistes donnent du Net montre soit leur méconnaissance du réseau, soit leur tentation de toujours faire mode et accrocheur au mépris de la réalité, soit leur naïveté. Un exemple qui me vient à l'esprit: j'ai déjà plusieurs fois entendu des "... selon Internet..." pour donner plus de poids à des informations non officielles. Quand on sait la facilité et la rapidité avec lesquelles les rumeurs et les fausses informations se propagent sur le réseau... Ce qui m'énerve aussi beaucoup, c'est leur mauvaise habitude de ne parler que des faits anecdotiques. Un exemple que j'ai entendu à la radio: le journaliste a parlé pendant dix minutes des spy caméras dont on peut voir les images sur le web, entre autres celle installée sur la machine à café de chez Canal+. OK, ça fait rire quelques secondes, mais après? Quand va-t-on parler sérieusement de culture? Culture originale accessible sur le Net, mais aussi culture du Net.

L'internet contient effectivement beaucoup d'information, c'est un avantage, mais ça peut facilement devenir un inconvénient. Le petit renseignement précis que vous cherchez va être noyé dans un flot gigantesque de méga-octets, et faire le tri va vous demander un temps considérable. Une information valable aura un impact très affaibli sur le web parce qu'elle se superposera dans l'esprit des gens aux centaines, aux milliers d'informations déjà absorbées.

Trop d'information peut tuer l'information. D'autant que parfois cette information se réduit à rien. Combien de pages web ne sont que des coquilles vides (et la mienne la première), ne contenant ni données valables sur un sujet précis, ni même de messages ou réflexions personnelles. C'est si facile de faire une belle page web, avec des images, des icones et tout et tout. Mais merde, il faut y mettre QUELQUECHOSE dedans !!!! Le pire de tout c'est ce que j'appelle le syndrome du méta-index: les types qui plutôt que de se taper le développement d'une page sur un sujet qui les intéresse, ne font que rassembler une liste de liens, qui parfois eux-mêmes sont de simples listes, etc... Finalement, on cherche des heures durant de l'information qui n'existe pas.

Pour finir, je dirais que de manière générale, les netsurfeurs survolent les pages, sans vraiment lire le contenu la plupart du temps. Le problème du multimédia, c'est qu'on a tendance à privilégier la forme sur le fond. Je vois dans mon fichier de logs que pas mal de gens restent très peu de temps sur certaines pages de mon serveur, ce qui veut sans doute dire qu'elles sont sans intérêt, mais j'avais déjà lu ce genre de chose sur des serveurs plus sérieux. Méfions-nous d'une communication sans but et sans contenu, c'est probablement le pire des pièges d'Internet.





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