Bizuthage = Lynchage

Avec la rentrée qui s'annonce, on va encore avoir droit dans les rues de Montpellier aux défilés d'étudiantes et étudiants vétus de sacs poubelles, couverts de lie de vin, obligés de se baigner dans la fontaîne des Trois Grâces. Ils appellent ça se faire bizuther parait-il. Ca vous fait rire? Moi pas.

Les écoles d'ingénieurs, les IUT, certaines facs, toutes les institutions sacrifient à ce rite stupide et immuable. On nous dit que c'est un honneur de se faire bizuther par les anciens, que ça permet de souder les étudiants dès le début de l'année, que c'est obligatoire pour que les nouveaux se rendent compte qu'ils viennent d'intégrer un groupe d'élus, et qu'ils soient fiers d'y appartenir.

Pourtant, je considère le bizuthage à l'égal du lynchage. Des types qui n'ont aucun courage individuel se mettent à balancer des tomates pourries sur tout le monde. D'autres, qui dans la vie de tous les jours n'ont aucune autorité, obligent des dizaines de futurs collègues à ramper devant eux. D'autres encore, qui n'osent pas aborder une fille en temps normal, ne se font pas prier pour distribuer des mains au culs ou demander à une fille de se déshabiller en public. Tout est permis, on en profite. Et on met la pression pour faire plier les rares rebelles ("si tu viens pas, on va pourrir ton année").

Brassens chantait "Quand on est plus de trois, on est une bande de cons". Comme toute action de violence collective, le bizuthage fait sauter tous les tabous, toutes les barrières de l'éducation. Il n'y a pas de risque, puisque quand on est nombreux, la responsabilité est diluée d'autant. C'est la même chose pour un lynchage: les gens, poussés par la foule, n'hésitent pas à tuer quelqu'un parce qu'ils savent que, ne pouvant condamner tout les participants, on ne condamnera personne. Le soi-disant courage d'un groupe de gens dans ce genre d'action collective, ce n'est que la somme de toutes les lâchetés et de toutes les frustrations. Il suffit de voir comment les filles sont très souvent la cible privilégiée des bizuthages.

Chaque année, il y a des débordements, sans même parler des lycées militaires où le sadisme est la règle. Et pourtant, chaque année ça recommence. Les étudiants ont beau utiliser d'habiles euphémismes ("séminaire d'intégration") pour donner une image plus propre de ce déchainement de violence physique et surtout morale, je n'ai vu que quelques très rares exemples de bizuthages intelligents. Je me souviens par exemple d'étudiants qui avaient passé une semaine à nettoyer une rivière ou à récolter de l'argent pour une école en Afrique.

Ce qui me désole, c'est que les nouveaux, quand à leur tour ils deviennent des anciens, continuent le même cirque: "nous on en a chié, alors eux ils vont prendre encore plus!". Personne n'a le courage de dire stop, devant la possible jouissance d'humilier à son tour les nouveaux arrivants.

Une personne qui prend plaisir à humilier gratuitement et physiquement une autre personne en position de faiblesse est moins estimable qu'un chien.





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