Une histoire banale
4 Décembre 1996
Encore une petite histoire de tonton Guillermito. Le vécu, coco, il n'y a que ça de vrai.
D'abord, plantons le décor. Mes parents habitent un petit village à quelques kilomètres de Montpellier, au joli nom de Castries. J'y ai passé quasiment toute ma tendre enfance, au milieu de la garrigue méditerranéenne. J'aime y retourner le week-end, retrouver un peu le parfum et le terrain de jeu de ma jeunesse, promener le chien dans les bois environnants et respirer l'air pur et calme loin de la ville. La maison est perdue dans la nature, les premiers voisins n'habitent qu'à plusieurs centaines de mètres.
C'est justement de ces voisins que je vais parler. J'avais gardé l'image d'un couple très charmant, dans la cinquantaine. Le mari, agent immobilier gagnant très bien de quoi faire vivre toute sa famille, toujours prêt à rendre service, très sympathique. Il nous amenait à l'école avec sa fille. Quant l'une des familles partait en vacances, on s'échangeait les clefs pour que l'autre puisse jeter un oeil sur la maison. La femme ne travaillait pas. C'est malheureusement très fréquent dans ce genre de petit village du Sud, villégiature de cadres supérieurs qui veulent se mettre au vert. Parait-il que "cela ne se fait pas" d'avoir une femme qui travaille.
Hier, je rentre prendre l'air chez mes parents. En ramassant le courrier, surprise, je vois dans notre boite aux lettres plusieurs courriers pour, justement, notre voisine. Je le dis à ma mère, croyant que le facteur s'est trompé. Et ma mère me raconte l'histoire.
Il y a six mois, le voisin, ce monsieur si charmant, a quitté sa femme. Il est parti, sans s'embarrasser de procédures de divorce qui l'auraient sans doute obligé à payer une lourde pension alimentaire. Et sa femme se retrouve seule, sans argent, sans travail, avec une immense maison et des chevaux dont il faut s'occuper. De temps à autre, sans prévenir, il revient récupérer quelques affaires, lire son courrier et celui de sa femme. Elle a changé la serrure, mais il fracassé la porte. Idem pour la boite aux lettres, ce pourquoi elle a demandé au facteur de mettre son courrier chez mes parents. Pour survivre, elle est obligé de faire des ménages dans le village, elle qui a pourtant un niveau d'études assez solide, mais comment trouver du boulot quand on n'a pas travaillé pendant trente ans?
Voilà, il y a d'autres détails sordides mais je passe dessus, vous avez compris ce que voulais dire. C'est une histoire banale, j'en conviens. J'en tire (au moins) deux conclusions, qui me confortent dans ma haine de l'humanité et surtout de sa moitié mâle.
Primo, mesdames, mesdemoiselles, méfiez-vous des hommes et de leurs paroles anesthésiantes. Soyez indépendantes, gardez toujours une porte de sortie. Le lecteur parisien et urbain va sourire en lisant cela. Venez faire un tour dans le Sud, vous rirez moins.
Secundo, mais là je crois que je me répète, prenez un être d'apparence civilisée, mon voisin, vous, moi, mettez-le dans une situation un peu particulière et l'animal ne va pas tarder à apparaitre sous le mince vernis de civilisation. Dans chacun de nous sommeille un vrai salopard qui ne demande qu'à se réveiller. Cette vérité globale se confirme chaque jour, à chaque coin du monde, à Castries, au Rwanda, en Bosnie, etc....