Cinquième pouvoir
24 Novembre 2004
Ne croyez pas ce que vous voyez à la télévision. Surtout quand ça concerne des domaines que beaucoup de journalistes, de par leur formation, leur âge ou leur culture, ont du mal à appréhender. La science. Internet. Les jeux de rôles. Les jeux vidéos.
Voilà un nouvel exemple de recyclage de blagues ou de rumeurs apparues sur la Toile, pour les transformer, grâce à la réputation des médias traditionnels, en information valide, bien que poisseuse de sensationnalisme bon marché ciblé pour ménagère de moins de cinquante ans. Axiome habituel: faire peur, ça fait vendre (ça fait élire, aussi, mais c'est presque la même chose de nos jours). Après Canal Plus et la stéganographie, TF1 et la location de punks, nous voilà avec France 2 et 147 suicides d'amateurs de jeux vidéos japonais. En fait, une simple phrase amusante d'un site d'information à propos de l'attente d'un jeu connu pour le fort développement mammaire de ses héroïnes digitales. D'où cette remarque ironique et marrante sur le fait que 147 amateurs se seraient suicidés en avalant des poches de silicone, et d'autres se seraient pendus avec des soutien-gorges géants. Repris tel quel par le journal télévisé de vingt heures. Avec, en cerise sur le gateau, une traduction apparemment approximative d'un adolescent japonais, qui lui fait dire des choses qu'il ne dit pas.
On peut tous faire des erreurs dans le cadre de notre travail, pour mille raisons, une date-butoir un peu trop proche, mille choses à faire en même temps, la pression qui s'accumule. J'en fais aussi, comme tout le monde. Je ne voudrais pas accuser quiconque de manque de professionnalisme ou d'éthique sur un seul cas. Mais cette tendance chez les médias à baisser significativement le niveau de vérification des informations dès qu'il s'agit d'un sujet sensationnaliste me gène un peu.
D'autant que c'est irrationnel. Par définition, une information sensationnelle va être lue, commentée et probablement analysée et critiquée par nettement plus de monde qu'une information plus confidentielle ou moins intéressante. La solidité des sources soit donc être à toute épreuve. Pour la centième fois, je vais citer une phrase de Carl Sagan: "Extraordinary claims require extraordinary evidence" (en français moyen: "Des affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires").
Heureusement, l'internet en tant que média multiple et tentaculaire possède cette intéressante fonction auto-correctrice, qui fait que s'il génère mille rumeurs et informations invérifiables, il permet aussi un certain regard critique et immédiat sur les médias traditionnels quand ils manquent de rigueur, et finalement leur permettent de s'améliorer. Libération par exemple, suite à cette histoire reprise aussi dans ses colonnes, a publié un erratum.
Information trouvée dans un premier temps chez Kwyxz.
[Evidemment, rien ne prouve que ce que je viens d'écrire est vrai]