Ne pas parler de politique
19 Janvier 2004
Première élection ce soir dans l'interminable course à la présidence des USA qui s'achèvera à la fin de l'année: le caucus démocrate dans l'anecdotique et minuscule état de l'Iowa. Apparemment gagnée par le candidat de chez nous, le sénateur John Kerry du Massachusetts, dont la fortune personnelle s'élève à 163 millions de dollars (environ 30.000 fois plus que ce que j'ai sur mon compte bancaire), grâce à un mariage heureux avec madame veuve Heinz, comme le ketchup du même nom. Il est le plus riche de tous les sénateurs états-uniens. Qui ne sont pas à plaindre: la moitié d'entre eux sont millionnaires. C'est beau, la démocratie représentative. Même si je préfère le discours plus tranchant de Howard Dean (qui vient de se prendre une jolie veste, il était largement favori, il finit troisième), d'autant qu'il est officiellement soutenu par Al Gore dont j'ai toujours aimé le côté intellectuel obtus et l'air de premier de la classe coincé, Kerry a une histoire intéressante. A peine rentré de la guerre du Vietnam, héros décoré, il est devenu l'une des voix les plus écoutées pour la faire cesser. Il y a quelque chose de respectable là-dedans. L'inverse des hypocrites de l'actuelle administration qui ont tous, d'une façon ou d'une autre, évité d'aller risquer de se faire trouer la peau grâce à quelque stratégique planque, mais qui envoient aujourd'hui, depuis leurs bureaux confortables de Washington, des gamins de vingt ans massacrer et se faire massacrer. La guerre, ça unit un pays dans un joli ciment patriotique (un oeil sur les prochaines élections) et ça protège les investissements de l'industrie pétrolière qui a payé le ticket pour la Maison Blanche (l'autre oeil sur le portefeuille). L'équipe Bush agite le drapeau à étoiles comme un singe agite un cocotier pour en faire tomber les fruits électoraux et financiers.
En fait, je voulais juste citer deux articles intéressants, pour faire croire que je m'intéresse au sort et à la politique du grand pays dans lequel j'habite, alors que ce début de campagne électorale est en fait d'une pauvreté intellectuelle à pleurer, et n'a qu'un intérêt infinitésimal comparé, par exemple, aux aventures martiennes du robot Spirit, ou à la prochaine diffusion au Brattle Theatre de l'intégrale des films réunissant Bogart et Bacall. Le premier article (daté du 18 janvier) est du journaliste français aux USA Thomas Cantaloube, qui décrit l'intérêt de ces primaires pendant lesquelles des petits états comme l'Iowa ont enfin leur quinze minutes de gloire. Une saine lecture parsemée d'excellents arguments, comme quoi il faut réfléchir avant de se moquer, même des USA. Bien sûr, il ne parle que du système finalement peu important des primaires, alors que le point essentiellement négatif du mode électoral des USA est l'absence de scrutin universel (un citoyen égale une voix) au cours de l'élection finale, comme on l'a vu récemment puisque Georges Bush a accédé à la présidence sans avoir la majorité des voix du peuple. Le second papier intéressant nous vient du Boston Globe, et explique comment la forte division actuelle du pays est symbolisée par la diamétrale opposition entre le style Clinton et le style Bush, à tous les niveaux, que ce soit en ce qui concerne leur politique étrangère, leur culture, leur femmes ou leur histoire personnelle. L'auteur termine l'article en prophétisant un hypothétique nouveau duel entre les deux familles: Jeb Bush contre Hillary Clinton en 2008. Ca pourrait en effet être amusant.
Pourtant je m'étais juré de ne pas parler de politique ici, et encore moins de politique américaine. Damned, encore raté.